Au mois de juillet 2024, l’association Pour la suite du monde, s’associe à
> Clotilde Redon, historienne indépendante et médiatrice culturelle, spécialisée dans le domaine de l’architecture et du patrimoine (hameau de Blanlhac, Rosières) – www.c-a-o.org
> Tini Chouvenc, plasticienne céramiste, (hameau des Béaux) – http://tinichouvenc.com/
> La Chaire partenariale VALCOM (Fondation Université Savoie Mont Blanc), représentée par Olivier Chavanon et Jean-François Joye, ayant pour vocation de contribuer à réfléchir à l’avenir territorial avec les communs fonciers – https://www.fondation-usmb.fr/chaire-valcom/
Collectivement nous lançons le projet « Penser le commun, panser nos communs », aussi appelé « Les communs du futur » dans le sens d’une réflexion à partir du passé et du présent sur les enjeux qui entourent les biens communs, en s’intéressant plus particulièrement aux « biens de section ».
Ce projet sillonnera des approches complémentaires : sociologique, artistique, juridique et historique afin de réaffirmer l’existence et le potentiel des biens communs. L’objectif étant de documenter la vie des biens de section, afin d’identifier le potentiel qu’ils représentent tant sur le plan humain qu’environnemental. Un héritage du Moyen âge qui a survécu et qui reste pertinent face aux enjeux du XXIème siècle.
Durant deux ans, chaque année sera ponctuée de rendez-vous afin de créer une dynamique plus large de prise de conscience de ces héritages communs à l’échelle de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Nous débutons notre action le week-end du 14 juillet 2024 à l’occasion du festival NUIT DE RÊVES (Blanlhac).
«Penser le commun, panser nos communs»
Un projet développé dans le cadre de l’appel à projets « Mémoire des XXe et XXIe siècles en Auvergne-Rhône-Alpes », soutenu conjointement par la DRAC et la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
« Faire commune c’est mettre en commun des ressources, des énergies, des espérances et partant s’éprouver soi-même comme capable de quelque chose dont on ne se savait pas capable » Patrick Boucheron
La notion de « communs », discutée dans le champ des sciences sociales ainsi que dans le débat public depuis quelques années, renvoie à des dimensions pluridisciplinaires et à une pluralité d’enjeux sociétaux. Elle permet de toucher des publics diversifiés dans l’action.
Les « propriétés collectives » perdurent en montagne plus qu’ailleurs. Il s’agit d’une caractéristique assez peu connue, bien que le mécanisme ancestral de jouissance partagée des sols qui constitue la singularité de ces systèmes, autrefois omniprésents, ait façonné en profondeur les formes de coopération sociale de très nombreuses communautés villageoises ainsi que l’environnement physique dans lequel elles évoluent (la configuration des paysages).
Le projet que nous souhaitons porter est un exemple concret d’un phénomène paradoxal : si la conservation des biens de nos villages est effective, elle s’est faite au détriment d’un processus de transmission collective. Les liens intergénérationnels, et la cohésion sociale, semblent fragilisés. Le processus d’individualisation des rapports sociaux, l’hypertrophie du principe de propriété individuelle depuis l’avénement du Code civil, ou encore les métamorphoses démographiques du monde agricole y ont largement contribué. Par ailleurs, les récentes lois ont accéléré la perte de ces communs, en facilitant notamment les procédures de vente ou de transfert de biens, et particulièrement les biens de section1.
Pourtant, ce patrimoine multiséculaire, qui perdure depuis le Moyen âge au moins, dans les Alpes françaises, italiennes ou suisses, les Pyrénées ou le Massif central, et qui a permis à nombre de familles et des groupes d’habitants de mutualiser la gestion de diverses ressources ainsi que la répartition des bénéfices liés aux utilités de la terre, de s’organiser et de définir ensemble un certain nombre de règles d’accès aux pâturages, aux forêts, aux sources, à la cueillette ou la chasse, représente encore un ensemble propriétaire foncier majeur au XXI. siècle2.
Autrement dit, loin de ne constituer qu’un reliquat exotique du passé, un anachronisme folklorique, voire une sorte d’incongruité de la ruralité incompatible avec les exigences de l’appareil d’État moderne, et qu’il conviendrait par conséquent de faire disparaître définitivement, l’exercice collectif des droits d’usage suscite toujours un fort sentiment d’adhésion. Leur suppression est souvent vécue comme une injustice et un mépris.
Ces modèles de propriété collective, qui ont irrigué le vivre ensemble en territoires de montagne depuis des temps immémoriaux, représentent une composante cardinale du patrimoine et de la mémoire, en même temps qu’un outil d’amélioration des conditions d’existence au XXI e siècle : ils sont des outils de cohésion sociale, et un terreau micro-politique et intergénérationnel.
Le projet présenté ici est porté par l’association Pour la suite du monde, basée à Lyon, et par deux habitantes de territoires ruraux en Haute-Loire, ayant droit de biens de section – l’une historienne, l’autre plasticienne.
La question des communs, les questions d’usages et leur avenir nous animent et nous souhaitons développer des actions susceptibles de mieux valoriser ces systèmes fonciers tout en favorisant des dynamiques collectives locales.
Le projet que nous proposons sera accompagné sur le plan scientifique et méthodologique par la chaire scientifique VALCOM (Valorisation des Communs, Université Savoie-Mont-Blanc), structure institutionnelle référente en la matière.
Le projet articule recherche, actions et création, et s’intègre dans un processus de recherche participative, dont l’imbrication permettra de comprendre ces héritages et leurs évolutions, notamment au XX e siècle, et d’envisager comment refaire collectif en ce début de XXI ème siècle.
Les biens communs constituent un précieux legs pour les communautés futures. Particulièrement représentés dans le Massif Central de par leur conservation par les générations successives, ils questionnent le rapport à la propriété et enjoignent à continuer “à faire ensemble” dans le souci de maintenir des usages raisonnés des ressources.
L’évolution de ce patrimoine foncier qui porte en lui des valeurs de partage, a souffert d’une législation qui tend à le démanteler, corrélé à la construction d’une société dans laquelle l’individuation des rapports sociaux s’est faite au détriment du collectif. Il est parfois le théâtre de conflits locaux entre habitants ou plus largement entre ayant droit et gestionnaires, notamment concernant les usages et l’entretien.
Nous soutenons pourtant que ces héritages permettent un pouvoir d’agir, une capacité à produire des forces de cohésion, d’appartenance, de « bien vivre ensemble », qu’on pourrait certes considérer comme modestes. Pourtant comme le montrent les travaux de la chaire VALCOM, alors que l’éloignement et la raréfaction des services publics sont vécus comme un signe de déclassement ou comme la preuve de déconsidération qu’exprime l’État en direction du monde rural, ils concourent incontestablement à préserver un sentiment de dignité chez les communautés villageoises.
Face aux défis territoriaux du XXI e siècle, il semble pertinent de « repanser » notre rapport à l’environnement et ses ressources, afin de valoriser une sociabilité basée sur la coopération.
La sauvegarde de ces communs et leur transmission doit être envisagée selon les besoins du XXI ème siècle, en corrélation avec la notion de patrimoine3 et ses enjeux de conservation : de même que pour un bâtiment dont la fonction aurait « fait son temps » pour lequel on imagine une reconversion, en sacrifiant d’anciens usages au profit de nouvelles utilisations, ces espaces et leurs usages gagneront à être réinventés.
Qu’il s’agisse de constructions, de parcelles forestières ou de terrains agricoles, les biens de section sont liés à de nombreux enjeux contemporains :
> Encourager le lien social en milieu rural : les biens de section servent souvent de lieu de rassemblement et de cohésion pour les habitants d’une communauté rurale, favorisant ainsi les échanges et les interactions sociales.
> Responsabiliser les habitants par rapport à leur environnement local : en étant ayant droit, les habitants développent un sentiment de responsabilité envers leur environnement et sont incités à le préserver et à le gérer de manière durable.
> Sauvegarder le patrimoine : les biens de section représentent souvent un héritage culturel et historique important pour les communautés locales, et leur préservation contribue à maintenir l’identité et le caractère distinctif de la région.
> Faire vivre le patrimoine en lien avec les évolutions de notre société : adapter l’utilisation et la gestion des biens de section aux besoins et aux valeurs de la société permet de conserver leur pertinence et leur utilité dans un contexte de mutations.
> Transmettre aux nouvelles générations : assurer la transmission des connaissances, des pratiques et de la valeur des biens de section aux générations futures garantit leur pérennité et leur intégration dans la vie communautaire à long terme.
> Faire face aux enjeux climatiques : les biens de section peuvent jouer un rôle crucial dans la résilience des communautés rurales face aux défis climatiques en favorisant des pratiques agricoles durables, la gestion des ressources naturelles, l’adaptation aux changements environnementaux et la coopération.
> Sortir d’une logique individualiste : en promouvant la propriété collective et la gestion démocratique des ressources, les biens de section offrent une alternative à la logique de privatisation, au profit de dynamiques de solidarité, de coopération et de promotion du lien social.
Notes :
> Juridiquement, la section est une personne morale de droit publique, et dispose de compétences propres dont l’exercice est partagé entre le conseil municipal et la commission syndicale, composée d’élus membres de la section.
1 Les biens des sections de commune sont les communs concernés par ce projet :: la dénomination « section de commune » remonte à la loi du 10 juin 1793 (décret de la Convention Nationale sur le partage des biens communaux) […]. » (Jurisclasseur Propriétés publiques, fasc. 34-30).
2 Le ministère de l’Intérieur en dénombrait un peu moins de 27 000 au tournant du siècle, dont la majorité située dans le Massif central (source :: VALCOM).
3 « [Le patrimoine] se reconnaît au fait que sa perte constitue un sacrifice et que sa conservation suppose des sacrifices » Jean-Pierre Babelon, André Chastel, La notion de patrimoine, 1994.
PARTENAIRES :
> Association La Commune Libre (Blanlhac)
> Association Rêve de foin (Blanlhac)
> Association CAUE 43 (Département de la Haute – Loire)
> La PULP – Petite Université Libre et Populaire (Tence)
> La Communauté de Communes du Haut – lignon