Pour la suite du monde,
en quête de nouveaux récits

« MORSURES » – Performance, Cie L’Ebullition

06/05/2024

Performance, théâtre, causerie

Prix Libre

Café LES CLAMEURS, Lyon 7e

Pour la Suite du Monde, Les Clameurs et la Cie L’ébullition présentent

Lundi 6 mai, à 19h

Aux Clameurs, 23 Rue d’Aguesseau, Lyon 7e
Prix libre

MORSURES

Performance théâtrale – CIE L’ébullition
Pascale Guirimand / Alain Bourderon
suivie d’une « causerie »

« Nous sommes plusieurs à penser, depuis notre coin d’avoine sauvage, au milieu du maïs extraterrestre, que, plutôt que de renoncer à raconter des histoires, nous ferions mieux de commencer à en raconter une autre, une histoire que les gens pourront peut-être poursuivre lorsque l’ancienne se sera achevée. Peut-être. C’est donc avec un certain sentiment d’urgence que je cherche la nature, le sujet et les mots de l’autre histoire, celle qui jamais ne fut dite, l’histoire-vivante. » Ursula K Le Guin

A travers une mosaïque de voix, de corps, de récits, une femme seule en scène rassemble les matières hétérogènes qui la composent. Elle explore la puissance et les failles, ce qui tient et ce qui lâche, et la beauté des zones troubles. On y croise le chant des baleines à bosses, Titanic et les jeux de ficelles de Donna Haraway. Le jeu clownesque, la danse et la poésie tissent ensemble une « histoire-panier » (Ursula Le Guin), la pop côtoie la prière, et la joie n’est jamais loin de l’absurde.

« De quelles matières sont faites les histoires qu’on raconte ? Comment tenir encore debout quand les croyances et les certitudes sont effondrées ? Quand l’art de la déconstruction jette le bébé avec l’eau du bain et qu’il ne reste qu’une flaque d’eau grise, indistincte ? Et faut-il seulement que ça tienne ?En partant de ma propre histoire, de mes questions autour de la maternité, du corps, des histoires qui m’ont façonnées, de ce que peut le théâtre ainsi que d’autrices qui m’importent, je cherche à raconter une histoire qui exprime en elle-même les contradictions avec lesquelles nous devons vivre, la forme et le flux, la joie et la cruauté, la beauté et la défaite, la foi et l’absurde. Sans rien résoudre, en assumant le trouble, élément constitutif de notre époque. Malgré toute la cruauté, toutes les pertes, malgré le chaos à venir, je veux encore croire à la beauté du monde. »

Fiction-panier : « Mon point de départ est la question que pose l’autrice de science-fiction Ursula Le Guin dans son essai la théorie de la fiction panier. Dans ce texte, Le Guin commence par une hypothèse: si à la préhistoire certains ont été chasser le mammouth, ce n’est pas tant pour ramener de la viande (les lapins et menus gibiers étaient bien plus faciles à attraper, et la cueillette permettait d’assurer une bonne partie de l’alimentation), mais pour ramener, avant tout, des histoires. « Il est difficile de faire un récit vraiment captivant en racontant la manière dont j’ai arraché une graine d’avoine sauvage de son enveloppe, et puis une autre, et puis une autre, et puis une autre, et puis une autre, et comment j’ai ensuite gratté mes piqûres d’insectes, et Ool a dit quelque chose de drôle, et nous sommes allés jusqu’au ruisseau pour boire, nous avons regardés les tritons pendant un moment, et puis j’ai trouvé un autre coin d’avoine… Non, vraiment ça ne tient pas la comparaison avec la manière dont j’ai plongé ma lance au plus profond du flanc titanesque et poilu, tandis que Oob, empalé sur l’une des gigantesques défenses, se tordait en hurlant, et le sang jaillissait partout en de pourpres torrents.» Cela ne fait pas le poids.

Peu à peu, les cueilleuses d’avoine sauvage ont été silenciées, oubliées. Pour parler des paroles des cueilleuses, Ursula Le Guin parle « d’histoire panier ». Un panier pour porter nos récoltes, pour porter nos enfants.

Alors j’ai pris sa métaphore au pied de la lettre et je me suis demandé comment faire une histoire panier ? Comment créer un contenant cousu main dans lequel transporter des matières hétérogènes, graines, enfants, chants, mini-mythes…. ? Comment assumer l’hétérogène sans créer un sac fourre-tout ? Comment « rabouter ensemble les morceaux éparpillés de tant d’histoires qui apparemment décarquillent alentour sans aucun pariage entre elles » comme le suggère l’écrivain et philosophe créole Edouard Glissant3? Avec morsures, je tente donc de tisser une histoire à la forme suffisamment souple pour rabouter ensemble des matières hétérogènes, des bouts de chaos, sans le laisser envahir tout à fait. Une histoire-panier qui laisse la place aux errances, aux temps morts, à la fragilité, à l’obscurité, au regard qui se perd à la surface de l’eau pendant que l’enfant s’endort.

Équipe :

> Conception, écriture et jeu : Pascale Guirimand
> Mise en scène : Alain Bourderon
> Échanges dramaturgiques et écriture: Iuri Martin Cabétich, Léa Arson
> Regards extérieur : Elia Dujardin (Cie Lily Kamikaz)
> Accompagnement chorégraphique : Maki Watanabe
> Étapes de travail et soutien à la recherche avec Géraldine Doat (Cie Les Fées rosses), Mathilde Bessin (Cie Les eaux fortes), Mickaël Crampon (Cie L’Involontaire), Jennyfer Muller.

Détails sur https://www.asso-ebullition.fr/

Références et sources :

* Ursula K Le Guin, « La théorie de la fiction panier », in Danser aux bords du monde, éditions de l’éclat, 2021
* Alice Zeniter, Je suis une fille sans histoire, L’Arche, 2021 ; L’autre moitié du monde, Flammarion, 2022
* Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique, 2008
* Christophe Tarkos, Anachronismes, P.O.L., 2001
* Patrick Chamoiseau, Le conteur, la nuit et le panier, Le Seuil, 2021
* Natassja Martin, Les âmes sauvages, éditions La Découverte, 2016; Croire aux fauves, Collection Verticales, Gallimard, 2019 ; À l’est des rêves, La découverte, 2022
* Donna Haraway, Vivre avec le trouble, Les éditions des mondes à faire, trad Vivien Garcia, 2020
* Barbara Stiegler, Nietzsche et la vie, Folio, 2021
* Titanic, produit et réalisé par James Cameron, 1997. Avec Léonardo di Caprio et Kate Winslet. Le plus gros blockbuster de toute l’histoire du cinéma.

Le spectacle est suivi d’une « causerie ».

A propos des causeries : « Les causeries des clameurs tirent leur origine des causeries de la fin du 19e au début du 20e siècle. Ces moments de rencontre étaient l’occasion pour les classes ouvrières de s’informer entre elles et de s’organiser de manière horizontale. L’objectif de ces causeries du 21e siècle est de créer un espace social, où l’on peut échanger en dehors du cadre du travail ou du cadre amical/familial, faire société ensemble. C’est un espace où on peut confronter nos idées et nos arguments et y politiser nos vies, face à un système qui nous pousse de plus en plus à en être passif. Chacun.e y est légitime pour prendre la parole, ou simplement écouter. »